Le président de la République a saisi l’opportunité de son adresse à la nation à l’occasion de la commémoration de la fête nationale du pays pour livrer aux Ivoiriens un secret qui n’en était presque plus un : “je serai candidat.”
“Je suis candidat à la présidentielle d’octobre 2020” tonne Ouattara du haut de son pupitre. Cette décision que le chef de l’Etat qualifie de “sacrifice” qu’il “assume pleinement par amour pour mon pays”, il l’a prise dans “le souci de préserver la paix, la cohésion sociale”. Le faisant, le leader ivoirien rejoint le club des présidents à plus de deux mandats en Afrique. Pour le cas spécifique de l’Afrique francophone, nous avons les présidents Paul Biya du Cameroun, Joseph Kabila du RD Congo, Dennis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville, Faure Gnassingbé du Togo, Ali Bongo du Gabon entre autres.
Cette sortie du président sortant n’a pas surpris grand monde dans le marigot politique ivoirien, après la disparition de Amadou Gon Coulibaly, Premier Ministre et candidat désigné du parti au pouvoir. Jean-Louis Billon par exemple, l’une des têtes fortes du PDCI-RDA principal parti d’opposition en rupture de ban avec le numéro un ivoirien en avait donné le ton. Dans un entretien sur les antennes de RFI au lendemain du décès de Gon Coulibaly, la réponse de l’ancien ministre du Commerce à une question de Carine Frenk relative à la candidature d’ADO était on ne peut plus claire : “nous ne sommes pas surpris. Parce que, malheureusement, le candidat qui était choisi étant décédé, le RHDP n’a pas d’autre choix que de demander à Alassane Ouattara de repartir pour un troisième mandat”
Des voix dissonnantes du côté des artistes
Immédiatement après l’annonce de sa candidature, l’artiste Meiway a pris sur lui d’interpeller le chef de l’Etat. Dans un message video qui fait en ce moment le tour des réseaux sociaux, le “professeur” tance le président et parle d’un mandat de trop : “Allez-vous sacrifier tout ce que vous avez bâti pour vous classer du mauvais côté de l’histoire de notre pays ? Allez-vous tomber sans résister dans le destin tragique des Chefs d’État africain obsédés par le pouvoir ?” Il implore “Monsieur le Président, vous avez encore une chance d’échapper aux prédateurs qui s’agitent autour de vous pour leurs intérêts et non pour le vôtre.” Il analyse : “s’il n’y a aucune personne dans la jeune génération compétente pour vous succéder, vous avez dès lors Monsieur le Président échoué …le peuple ivoirien qui vous a porté, qui vous a accompagné à la magistrature suprême, pourrait vous manquer de respect.” avant de conclure sans autre forme de procès : “Je sais prévenir. Je ne sais pas guérir”. Sa position rejoint celle de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux si l’on en juge par leurs réactions suite à cette publication
Tiken Jah Fakoly, le pugnace star de reggae avant lui avait déjà déclaré être contre trois mandats en Afrique, même si sa position était moins tranchée ces derniers temps s’agissant d’Alassane Ouattara.
Que valent désormais les propos des politiciens ?
Le 05 mars 2020, Alassane Ouattara avait annoncé solennellement devant les deux chambres du parlement, le Sénat et l’Assemblée Nationale en l’occurrence, qu’il ne se présenterait pas à la prochaine élection présidentielle. C’était à Yamoussoukro, la capitale politique du pays. Aujourd’hui il annonce sa candidature.
Konan Bedie avait dit en 2010 qu’il était à son dernier combat. “Si je suis élu, ce sera mon dernier mandat” dixit Henri Konan Bédié . C’était lors de la campagne pour la présidentielle d’Octobre 2010. 10 ans plus tard, Henri Konan Bédié, 86 ans est candidat au scrutin présidentiel d’octobre 2020.
Vers un remake de 2010 ?
On s’achemine indubitablement vers un remake du scrutin de 2010. Henri Konan Bedie candidat pour le compte du PDCI-RDA, Alassane Ouattara pour le compte du RHDP (transfuge du RDR). Le grand absent certes c’est le président Gbagbo mais avec la Côte d’ivoire sait-on jamais ? Ses partisans ont d’ailleurs commencé à s’agiter. Il étaient nombreux hier devant les locaux de la CEI pour réclamer la réinscription de leur champion sur la liste électoral dont il a été enlevé.
Vous avez dit la place aux jeunes ? Non merci. Pas aujourd’hui. Peut-être la prochaine fois. C’est tout de même drôle. Tout le monde se fait champion des jeunes mais personne ne veut donner la chance aux jeunes. Tout le monde dit former les jeunes, mais au moment de leur passer le flambeau. On leur dit de repasser demain. Personne ne fait vraiment confiance aux jeunes
Vers un remake de 2010 ? Peut-être. Mais de grâce évitez-nous la violence. Le peuple a assez souffert comme ça.
Isaac T